J’aime pas Noël, d'abord parce que c'est une fête religieuse, ou l'on fête la naissance du Christ. Or cet étrange personnage est quand même indirectement responsable de millions de morts et des pires atrocités depuis deux mille ans. J'aurais même tendance à dire que c'est en son nom (et celui de ses alter egos) que l’on a le plus tué, massacré, asservi au cours de ces 20 derniers siècles. Je reconnais bien-sûr que la religion chrétienne n'a pas le monopole des guerres de religion, des meurtres , des chasses aux sorcières, de l'inquisition ou de la pédophilie. Et, n'en déplaise à Monseigneur Léonard, elle n'a certainement pas non plus le monopole de la générosité. Néanmoins, s'il n'existe dans l'œuvre de Karl Marx (lui aussi indirectement responsable de millions de morts) qu’une seule phrase à retenir, c'est bien que la religion est l'opium du peuple. Une religion n'est rien d'autre qu'une secte qui a réussi. Or celle-ci a vachement bien réussi a imposer ses vues, même chez ceux qui ne croient pas. J’aime pas Noël parce que, mécréant comme Georges Brassens, je suis anticlérical fanatique, gros mangeur d’ecclésiastiques.
J'aime pas Noël parce que chaque année, le 24 décembre, un peu partout, un grand nombre d'athées convaincus, donc de "mauvaise foi", se rassemblent pour fêter la naissance d’un bonhomme dont ils n’ont rien à foutre en expliquant en long en large et en travers, que Noël n'a plus rien de religieux, que Noël est devenu une fête païenne. Enfin voyons ... si on fête Noël, c'est d'abord pour les enfants, (juste 18 jours après Saint-Nicolas ? mais là je parle pour les Belges). Et même quand il n’y a plus d’enfants, on continue pour l’esprit de Noël, la magie de Noël. Une magie et un esprit qui bien évidemment se calcule en Euros. De là à croire que ces gens ne cherchent dans une fête religieuse qu'une occasion de faire la fête, il n'y a qu'un pas. A-t-on vraiment besoin de la religion pour faire la fête? De la même façon ils se marient à l'église en prononçant de vœux auxquels ils ne croient pas, ou font baptiser leurs enfants, puis les emmènent à la communion avant d'abandonner la religion à 12 ans. Logique puisqu’il n'y a plus de fête religieuse avant le mariage. La grande majorité des gens vont à l'église 5 fois dans leur vie ... la dernière étant leur mort. Je veux garder le droit de zapper la religion. On finit donc par adopter les rites religieux pour faire comme tout le monde mais surtout pour faire la fête, et aussi recevoir des cadeaux. Ah oui, parlons-en des cadeaux.
J'aime pas noël, et cette obligation de se faire des cadeaux aussi couteux qu'inutiles juste une semaine avant les soldes. En plus, comme Noël se doit d'être fêté en famille ... élargie, vous avez droit à la surenchère, à celui qui offrira le plus gros, le plus beau, le plus cher cadeau. J'ai même vécu le coup ou l'on a réemballé le cadeau que l'on a acheté deux mois plus tôt, juste pour pouvoir le montrer à tout le monde. Je n'aime pas l'idée que tous les magasins, tous les restaurants profitent de l'occasion pour fourguer à prix d'or des trucs qu'on achèterait jamais à une autre période.
J'aime pas Noël parce que c'est une fête obligatoire, et que, si je n'aime pas Noël, j'aime beaucoup de gens qui trouvent absolument normal de le fêter. Or on a l'impression que l'on ne peut plus ni faire la fête, ni faire des cadeaux en dehors de cette sacro-sainte période de fêtes. J'ai une méchante tendance à faire un cadeau quand j'en ai envie, parce que l'occasion se présente, ou que je ressens une vraie envie de quelque chose chez la personne à qui je vais offrir. L'avantage, dans ce cas, c'est que je ne suis pas pressé par une date limite, que j'ai le temps de bien choisir un cadeau qui ne finira pas sur ebay mi janvier. Le plus fou dans l’histoire , c’est que, quand j’offre un cadeau, juste comme ça, pour faire plaisir (et pour me faire plaisir osons le dire aussi), en dehors de toute occasion officielle, on me remercie souvent avec une phrase du genre … « C’est pas Noël, pourtant ». Mais j'avoue humblement, que comme tout le monde, je me plie à la tradition … pour paraître ... Voilà plus d'un mois que j'ai acheté les cadeaux de Noël pour les filles ... et que je les ai gardé pour Noël, parce que ... oui, moi aussi je dois paraître devant la famille et montrer que j'ai fait de beaux cadeaux qui font vraiment plaisir et qui coûtent très cher. Dommage, elles auraient pu profiter des cadeaux depuis un mois ... mais non. En fait ce soir-là, c'est paraître ou disparaître, et, je n'aime pas ça, mais je refuse de disparaître. Puisque, par respect et par amour pour les gens qui m'entourent, je suis obligé de paraître, je joue le jeu à fond comme tout le monde.
J’aime pas Noël parce que c’est une corvée, je dirais même un fardeau, pour la plupart des gens que je connais. Le rythme de vie est de plus en plus accéléré et quand arrive les congés des Fêtes les gens ont besoin de repos de prendre du temps pour eux! Au contraire, c'est la course aux achats, le stress de tout avoir à temps. Qui est condamné à organiser le réveillon cette année ?
J’aime pas Noël quand j’entends certaines personnes m’expliquer qu’elles devront se passer d’une série de choses, parce que « tu sais, ce mois-ci avec les cadeaux de Noël, ça va être dur ».
J’aime pas Noël parce que des gens qui se voient une fois par an font semblant de s’aimer
J’aime pas Noël parce qu’il faut souvent choisir entre la famille de Monsieur et celle de Madame pour le réveillon … et que donc, l’autre moitié de la famille sera déçue, voire fâchée. L’organisation familiale du XXI éme siècle avec des familles recomposées et géographiquement dispersées complique encore la donne. Quelle que soit l’organisation il manquera toujours quelqu’un à quelqu’un. Et comme Noël ce n’est qu’à Noël, on ne peut que difficilement se rattraper avent le choix tout aussi cornélien qu’il faudra faire l’année suivante. Alors qu’il y a des événements propres à chaque famille qui sont de vraies périodes de réjouissance, de réunion. Chaque année, ma belle-mère prépare pour toute sa famille une spécialité régionale, et ce moment là, est un moment que je ne raterais pour rien au monde. Bien sûr mes parents n’y sont pas mais en aucun cas ils ne m’en tiendront rigueur.
J'aime pas Noël parce que c'est la seule période de l'année ou l'on trouve un choix d'aliments fins à des prix corrects dans les grandes surfaces. OK, ça s’est plutôt chouette. Mais pour la plupart, les foies gras, gibiers, huitres, homards, truffes etc. disparaîtront des rayons dès janvier pour n'y revenir qu'en décembre. Il est de bon ton de manger gras et de boire un peu plus que de raison (Buvez car ceci est mon sang?). Bref, si vous aimez la bonne chaire, c'est à Noël qu'il faut obligatoirement en profiter. Vous avez trois semaines pour profiter des bonnes choses … après c’est fini.
J'aime pas Noël parce que pour pouvoir faire ces achats de Noël, avec une date d'échéance immuable, il est obligatoire de se retrouver dans des magasins absolument bondés, que l'on a atteint en se risquant sur la neige ou sur le verglas. 1000 euros en carrosserie pour aller acheter un joli petit cadeau à 10 euros, qui s'est retrouvé dans une poubelle le 26 décembre. Une période de fête doit-elle absolument commencer par une période de stress intense. Faut-il absolument prendre des risques pour fêter un événement chrétien dont la plupart d’entre nous se fichent comme de l’an 40.
J’aime pas Noël parce que, dans nos contrées, il fait froid, il neige, il gèle. Ah que c’est joli un Noël blanc, avec ses épaves de bagnoles dans les fossés. Pourquoi ne pourrait-on pas supprimer Noël et le remplacer par exemple par le premier mai, ou une fête de la paix que l’on placerait en plein été. On supprimerait ainsi le côté religieux, et donc hypocrite, On pourrait fêter ça dans des barbecues géants. Avec une fête de la paix, on pourrait même déplacer les sentiments mielleux qui sont toujours de mise à Noel Et pour ceux qui aiment vraiment le froid, il reste toujours le Nouvel an.
J’aime pas Noël parce que, chacun se doit d’exprimer ses bons sentiments, sans-abris par-ci, sans-papiers par là. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Les bons sentiments fleurissent partout dans les conversations, sur le web, et dans la presse. Et tout sera oublié quinze jours plus tard. Tout est tellement mielleux que j’en attrape des carries chaque fois que je me connecte sur facebook ou que j’ouvre un journal. Bien sûr tout ceci sera oublié d’ici une petite quinzaine de jours. Il faut bien que la vie continue.
J’aime pas Noël parce que des gens qui se voient une fois par an font semblant de s’aimer
J’aime pas Noël parce que la société, mais surtout les sociétés, nous impose un comportement, une façon d’être et d’acheter. Ma liberté de penser est dépassée par le devoir de se plier aux règles. Je suis interpellé par l'ambiance et les obligations morales voire par le sentiment de culpabilité de ne pas participer à une telle consommation outrancière et aveugle qui encourage le mode de vie industriel au détriment des relations saines entre les personnes. Que vive le règne de l’hypocrisie. N’oubliez pas de dépenser un max en sms à des gens à qui vous n’écrivez jamais et que vous ne voyez jamais. Votre opérateur de téléphone vous conseille d’ailleurs de vous y prendre bien à temps, car le réseau pourrait être saturé peu après minuit. Et il serait vraiment dommage de ne pas pouvoir vous facturer les sms qui n’aboutissent pas.
J’aime pas Noël dans les petits quartiers bourgeois ou le seul objectif est d’avoir la plus belle décoration de Noël de la rue, et donc de montrer à son voisin que l’on est mieux que lui.
J’aime pas Noël parce qu’il est devenu absolument interdit de critiquer Noël, le dernier qui ait réussi à noircir Noël de manière hyper-visible est Joe Dante, dans Gremlins, avec le fameux monologue ou Kate raconte pourquoi elle n’aime pas Noël : grimé en père Noël, son père s'était brisé la nuque dans la cheminée familiale en voulant faire une surprise à sa famille, alors que Kate était encore enfant. Une anecdote outrageusement mélodramatique, balancée à un moment totalement inopportun dans le film. Une scène qui provoqua un bras de fer entre la Warner et Joe Dante pour la suppression de ce monologue. Bien qu'étant lui aussi opposé à cette scène, Steven Spielberg, par solidarité entre cinéastes, soutint Dante et lui permit d'avoir le dernier mot. Et c’est devenu une scène d’anthologie.
J’aime pas Noël parce que les parents se sentent le devoir moral de mentir aux enfants concernant un personnage tout rouge sponsorisé par Coca-Cola, alors que ces mêmes parents vont passer leur temps à expliquer à ces mêmes enfants que ce n’est pas bien de mentir … Mais bien sûr c’est différent, parce que c’est pas pareil, puisque c’est pour la magie de Noël.
J'aime pas Noël parce que c'est une nuit ou il est absolument obligatoire d'être heureux, et que malheureusement, c'est aussi la nuit record pour les suicides, car le poids de la tradition fait peser la solitude nettement plus fort que les 364 autres nuits de l'année. Pire, vous êtes coupable si vous n’êtes pas heureux. Enfin voyons, c’est Noël ! Que diable.
En résumé, j’aime pas Noël parce que c'est une entreprise commerciale, ou des hypocrites, mentent aux enfants et grèvent leur budget pour fêter un événement dont ils n'ont absolument rien à cirer, avec comme seul et unique but de faire la fête et de se faire mousser.
J’aime pas Noël parce qu’on n’a pas le droit de ne pas aimer Noël.
Ceci dit, et puisque c’est dans l’air du temps, je vous souhaite à tous et à toutes , une excellente année.
PS : Je dédie ce texte à Madame Hottat, parce que je n’ai pu m’empêcher de penser à elle en l’écrivant, que je me suis revu quand je lui faisait des dissertations, et que je n’ai jamais pu lui dire à quel point je lui dois ce que je suis. Je regrette juste de profiter de Noël pour cet hommage.